4.48 Psychose

4.48 Psychose est l’oeuvre testament de Sarah Kane. Elle annonce son suicide, et aussi, la déconstruction des 3 unités aristotéliciennes de la dramaturgie classique. Cette pièce était une occasion de réunir une équipe de création qui allait devenir une compagnie de théâtre. Ce texte fragmenté et poétique, injouable, nécessitait de nombreux supports scéniques afin de permettre au spectateur de voyager dans ces eaux troubles de la folie et de la dépression. Avec le compositeur  musical Dominic Marion, nous créons une symphonie déconstruite inspirée d’une sonate de Bach à la guitare électrique et au piano ,une pièce originalement destinée au clavecin et au violon. De plus, le scénographe et vidéaste Jean-François Boisvenue a accepté de créer l’espace multimédia de cet univers scénique, en intégrant les effets de mise en scène que je cherchais à déployer. Afin de dédoubler la présence des personnages et de permettre un rapport intime à leurs expressions faciales, des caméras étaient juchées dans des lampes et captaient les corps en mouvement, les visages, les corps étendus… Enfin, elles venaient épier tous les états d’âme des personnages. Difficile travail d’intégration de la musique et du multimédia afin de rendre ces supports fluides et entièrement naturels, le défi était de faire que ceux-ci soient comme intriqués au jeu et au rythme des deux comédiennes se partageant la scène.

Peep Show

« Peeping » à son sens anglais figuré signifie « épier ». Le peep-show dans ses manifestations fluctuantes depuis son apparition à New-York au tournant du 20e siècle implique toujours le « voyeurisme » propre au consommateur-payeur. La montée d’internet et de la porn-web explique sans aucun doute la raison du déclin des peep-shows en cabine. Il est arrivé au peep-show ce qui arrive à la scène théâtrale contemporaine, une radicale dématérialisation à l’ère de son tournant numérique.

Peep show est une réflexion scénique sur la dématérialisation de la consommation érotique, des cabines disparues aux webshows répandues par millions sur internet. La surface de rediffusion vidéo est invisible (un tulle drapé, étiré au point de le rendre imperceptible) sépare la performeuse, seule sur scène, du public condamné à devenir voyeur. Ce cadre (rappelant la cabine physique de peep show) constitue le 4e mur et permettait de voir en superposé les images captées en direct et la performance de la comédienne en chair et en os. Le tulle faisait donc objet d’écrans, à la fois celui d’une cabine de peep show qui sépare la performance de son « client », écran d’ordinateur qui sépare le consommateur du monde virtuel, écran de lecture d’un blog virtuel pour le public, etc.

Héroïne(s)

Trois femmes héroïnomanes sont dans leurs cercueils respectifs, mortes d’une overdose. Cette mort annoncée ou déjà advenue ouvre sur un univers éclaté qui défilera en plusieurs temps. La scène, prenant l’allure des différents territoires dans lesquels elles sont plongées, soumises par leur dépendance qui les entraîne les unes vers les autres, dévoile surtout leurs solitudes respectives, à travers un humour débridé et une vision cynique du monde. Héroïne(s) aborde les différents états de la consommation, transposés par des expériences performatives et multimédias radicales. La problématique de création était ici de taille, faire passer le spectateur de manière sensorielle par tous les états de la consommation et de la dépendance à l’héroïne : du « flash » de la première injection, à l’overdose, en passant par les états de manque, d’extase, de sevrage. Pour accueillir nos héroïnomanes et nos projections vidéo elles-aussi en direct, nous « contreplaquons » tout le théâtre à l’aide de deux tonnes de presswood reconfigurant le sol, une forte pente vers l’arrière-scène et un immense écran panoramique plaqué sur le mur de fond. Ainsi nous tentons de reconstituer une théâtralité à l’italienne totalement immersive : une scène théâtrale audiovisuelle totale favorisant une expérience sensorielle intensifiée.

Mythomania

Mythomania est une oeuvre scénique qui a été développée avec le désir d’interroger les mutations actuelles de nos rapports amoureux à l’ère de la rencontre et de la socialisation numérique et des nouveaux comportements mythomanes qui en découlent. Nos recherches nous ont mené vers la notion de mythomanie, cette pathologie du mensonge compulsif qui s’aggrave aujourd’hui par l’entremise des sphères virtuelles, mais qui est d’abord un phénomène psychologique inoffensif et formateur chez les enfants en bas âge. Les jeunes enfants sont tous mythomanes, ce qui leur permet de s’inventer du rêve, stimuler leur apprentissage et accentuer leur prise sur le réel, une piste pour expliquer leur puissant attrait pour les contes. Cela nous a engagés dans une recherche dramaturgique, musicale et scénographique sur les façons que nous cultivons à se mentir sur l’amour, dans les récits comme dans nos vies intimes, pour en extraire des mécanismes narratifs et artistiques à transposer sur scène. Mythomania s’articule autour d’un simple dispositif cubique en plywood afin d’explorer les diverses formes de raconter sur l’amour. Par une graduelle décomposition et dissémination des faces du cube dans l’espace, Mythomania explore la graduelle écranisation de nos récits et expériences sur l’amour. 

Purifiés

Aux côtés de dix artistes de scène professionnels et cinq stagiaires de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, avec la collaboration du réseau Hexagram, de l’École Supérieure de Théâtre et du Département de Danse, nous échafaudons un dispositif scénique interdisciplinaire et technologique à l’Agora Hydro-Québec qui accueille pour une première fois dans un contexte doctoral uqamien, une installation théâtrale immersive et multimédia devant un public sur des gradins. Cette première création en sol montréalais de Purifiés de Sarah Kane, un des textes les plus injouables du répertoire européen des dernières décennies, fut précédé d’un important laboratoire d’écritures scéniques faisant collaborer et cocréer l’équipe entière autour d’une méthodologie de composition scénique cartographiée et archivée. Au travers d’un dispositif réseau et collaboratif de création et de formation « network du cowork », cette recherche-création a mené à l’élaboration de paramètres d’orchestration spatiotemporelle permettant de mettre en méthode la mise en scène interdisciplinaire et éventuellement à une nouvelle forme de partition de mise en scène et d’actorat. L’entièreté des documents de création ont été numérisés et placés en hyper-appendices à la thèse écrite: « La composition scénique face à l’injouable « Cleansed »: dispositif-réseau et devenir-partition d’un théâtre interdisciplinaire ».